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DEFAUT D’IMPARTIALITE DE L’ENQUETEUR ET NULLITE DES POURSUITES

Le 11 avril 2023
La défense de Madame T, prévenue devant le tribunal correctionel de Versailles, a déposé des conclusions de nullité qui ont conduit le tribunal à annuler la procéudre d'enquête pour défaut d'imparialité de l'enquêteur

Par une décision du 16 mars 2023, le Tribunal correctionnel de Versailles a entendu sanctionner la partialité de l’enquête pénale réalisée et a prononcé en conséquence la nullité de la majorité des procès-verbaux de la procédure et partant, la convocation devant le Tribunal correctionnel.

En l’espèce, une enquête était ouverte pour des faits de non-représentation d’enfant. Le parent en cause (en l’espèce la mère) justifiait la non-représentation par l’état de nécessité, craignant pour la sécurité de l’enfant lorsqu’il était sous la garde de son père. 

L’enquête réalisée était marquée par la partialité de l’enquêteur en charge du dossier à l’égard de la mise en cause.

D’une part, le fils du gendarme enquêteur se trouvait être dans la même classe que l’enfant du couple séparé.

Mais ce n’est pas simplement l’impartialité objective qui posait difficulté en l’espèce, d’où l’intérêt particulier de cette décision.

En effet, la procédure d’enquête avait été émaillée de petits évènements qui pris séparément auraient été jugés anodins mais qui dans le contexte particulier, à l’égard de la seule mise en cause, matérialisaient la partialité de l’enquêteur : ainsi le gendarme dénigrait l’intéressée, rédigeait des comptes-rendus en contradiction avec les éléments de la procédure, se précipitait à la gendarmerie un jour de congé afin d’être présent lors d’un dépôt de plainte de l’intéressée, et enfin refusait de la désentraver durant sa garde à vue, en absence totale de danger pour elle ou pour autrui et en dépit des protestations de son conseil …

 

Surtout, par ses comptes-rendus partiaux et inexacts adressés à la permanence du Parquet, l’agent de police judiciaire orientait la décision de poursuite pénale, ce qui faisait grief à l’intéressée.

A l’issue de sa garde à vue la mise en cause se voyait délivrer une convocation par officier de police judiciaire (COPJ) devant le tribunal correctionnel de Versailles.

Des conclusions aux fins de nullité étaient déposées à l’audience visant à faire constater la nullité de l’enquête pénale et partant, des poursuites, à raison du défaut d’impartialité de l’enquêteur.

Se fondant sur l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme et rappelant la jurisprudence de la Cour de cassation, le Tribunal a fait droit à cette exception de nullité et a repris les arguments soulevés dans les conclusions in limine litis déposées à l’audience, quand bien même l’enquête avait été réalisée sous le contrôle d’un officier de police judiciaire et sous la direction du Parquet au titre de l’article 41 du Code de procédure pénale, dont l’impartialité n’était pas contestée.

Dans sa décision, le Tribunal souligne le défaut de loyauté de l’enquêteur dans l’exercice de ses comptes-rendus à la permanence du Parquet.

En raison de l’intervention successive de plusieurs magistrats de permanence, les conditions matérielles de l’exercice de ce pouvoir de direction ne permettaient pas « de compenser le défaut d’impartialité de l’enquêteur ». Il est en effet courant que plusieurs magistrats interviennent successivement dans un même dossier en cours d’enquête. Leur appréciation nécessite que les faits leurs soient rapportés de la façon la plus impartiale possible.

Ainsi, par son comportement, l’enquêteur en charge dénaturait la procédure pénale en cours et portait atteinte à la « relation de confiance » devant exister entre le Parquet et les effectifs de police ou de gendarmerie.

A noter que le Tribunal a également reconnu l’illégalité du menottage imposé à l’intéressée qui « doit être interprété comme un acte visant à humilier l’intéressée et/ou à amoindrir ses capacités à assurer sa défense ».

Pour rappel, l’article 803 du Code de procédure pénale prévoit que « Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite. (…) », sans quoi la mesure est entachée de nullité.

Le défaut d’impartialité d’un seul agent de police judiciaire peut donc entacher de nullité la procédure pénale et l’acte de saisine du Tribunal correctionnel.

Alexandra Bourgeot et Rosemary Jarrousse

Avocates au Barreau de Paris                                             

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